L' Asie fantasmée en Provence
L’ Asie fantasmée en Provence dans les arts décoratifs aux XVIIIe et XIXe siècles.
Exposition présentée du 23 juin 2023 au 19 mai 2024 au Château Borély, Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode,
132 avenue Clot Bey – 13008 Marseille.
Tél. : (+33) 04 91 55 33 60
chateau-borely-musee@marseille.fr
Ouvert du mardi au dimanche de 9h à 18h.
Fermeture hebdomadaire le lundi, sauf les lundis de Pâques et de Pentecôte.
Fermeture les : 1er janvier, 1er mai, 1er et 11 novembre et le 25 décembre.
Marseille, de par sa situation géographique au sud de la France, a été le lieu d’échanges multiples depuis l’Antiquité et l’arrivée des Phocéens vers l’année -600 avant J.-C.
Ils fuyaient les invasions perses d’alors.
La fascination pour l’Orient, l’Inde ou l’Empire ottoman se répandit en Europe dès le XVIIIe siècle.
L’exposition au château Borély met l’accent sur cet intérêt en Provence. C’est l’attrait considérable pour « l’exotisme » asiatique à Marseille et dans ses environs que l’exposition met à l’honneur grâce à un peu plus de 400 œuvres d’art provenant ou s’inspirant d’une Asie fantasmée, de la Turquie au Japon.
La Buveuse de Café
Anonyme – XVIIIe siècle
Huile sur toile
La femme recluse et le café figurent parmi les thèmes les plus populaires de la représentation du monde ottoman dans l’imaginaire européen des Lumières. Dans l’esprit de la peinture galante du temps, le peintre s’est attaché à rendre une vision séduisante du luxe ottoman : habits brodés d’or, bijoux précieux, tasse chinoise évoquant l’importation ou l’imitation des productions de la porcelaine « bleu et blanc » des ateliers de Jingdezhen (Chine).
Portrait de Louise Marie Adélaïde de Bourbon (1753-1821), duchesse d’Orléans
Louise Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842)
1789
Huile sur toile
Une part du succès des portraits mondains de Vigée Le Brun a certainement résidé dans sa capacité à mettre en valeur ses modèles par une interprétation virtuose des mutations radicales que connait alors la mode. L’éclectisme des références du portrait de la duchesse fait se côtoyer l’anglomanie et un imaginaire orientalisant. La pose du modèle, appuyé sur un volumineux coussin aux allures de sofa, le tissu rayé de la robe, la coiffure en turban pouvaient être lus comme des échos du langage de la turquerie.
Guanyin
Chine
Dynastie Ming (1368-1644)
Bronze doré à la feuille, trace de laque
Cette statue représente le bodhissatva de la compassion, Guanyin, raccourci sémantique pour désigner Guanshiyin (« celui qui entend les voix du monde« ).
Assise en padmāsana, la divinité porte une couronne à cinq pointes au milieu de laquelle figure une représentation d’Amithāba, le Bouddha de l’au-delà, affectant la même posture. Les mains sont jointes en dhyāna-mudrā.
Les estampes japonaises de Marie Grobet
(1852-1944)
Lorsque Marie Grobet et son premier époux Bruno Vayson (1840-1896) acquièrent en 1891 un ensemble d’estampes japonaises à l’Hôtel Drouot, ils suivent la mode japonisante qui atteint alors son apogée à Paris. Comme beaucoup d’amateurs qui les découvrent, ils en apprécient les couleurs et la composition. Il est probable qu’ils avaient vu, en mai 1890 à Paris, la grande exposition de l’école des Beaux-Arts sur « les maîtres de l’estampe japonaise » où, pour la première fois, le public avait été mis en présence d’un panorama complet des peintres japonais depuis les primitifs. 1891 est aussi l’année de la sortie du livre d’Edmond de Goncourt consacré au grand peintre Utamaro, de la vente des collections d’estampes de Chamfieury et Burty et enfin de la publication des dix aquarelles « à l’imitation des estampes japonaises » de Marie Cassat.
Les estampes Ukiyo-e
Si la technique de la gravure sur bois était pratiquée depuis longtemps au Japon, elle se perfectionne au cours des siècles, devenant à partir du XVIIe siècle, la principale expression de l’art
populaire, caractérisée par un genre bien particulier : l’Ukiyo-e.
Ce terme qui peut se traduire par « images du monde flottant » signifie « fastidieux, misérable ».
A l’époque d’Edo (du XVIIe au XIXe siècle), il prend le sens de « recherche de l’agréable ».
Le peuple est le principal sujet de l’Ukiyo-e. Les estampes remportent un grand succès, la technique même de la gravure sur bois permettant par ses tirages multiples et son coût bien inférieur à celui de la peinture, une très large diffusion. Les thèmes favoris des peintres sont divers. Ils aiment représenter la vie quotidienne, particulièrement les femmes (courtisanes, geishas, femmes au travail), les lutteurs et les acteurs.
Animés d’un sentiment profond pour la nature, ils la peignent avec talent. Leurs paysages sont précis, reconnaissables, animés d’une vie joyeuse ; les animaux et les fleurs sont représentés avec grâce et poésie.
Le Salon Doré
Pièce de prestige du château Borély, le Salon doré est, au XVIIIe siècle, l’espace de sociabilité où l’on se réunit pour converser, jouer et se délasser, tout en dégustant friandises et boissons nouvelles. Rares objets issus de la collection de Louis Joseph Denis Borély encore en place, les potiches couvertes de Chine ou du Japon, s’accordent aux services de table en porcelaine chinoise de la Compagnie des Indes et de la fabrique d’Arita au Japon. Les pièces en faïence de Marseille à décor exotique, destinées à la consommation du thé, du café ou du chocolat, les accompagnent.
Déclinaisons typiquement provençale d’assises issues du monde ottoman, conçue pour les bastides aristocratiques, la radassière, siège collectif, prend ici une dimension monumentale et théâtrale avec sa disposition sur une estrade ouvrant sur le salon.
Cette séquence incarne l’engouement pour l’exotisme de l’époque des Lumières, c’est-à-dire le goût pour l’évocation d’une Asie née de projections fantaisistes destinées à divertir les Européens. Il ne s’agit pas de rechercher la justesse des usages mais d’intégrer aux modes de sociabilité occidentales les motifs décoratifs, les matériaux ou les denrées considérés comme les plus plaisants, auréolés du mystère de leur origine lointaine.
La chambre d’apparat du Château Borély
Réalisé en 2013, l’ameublement de la Chambre d’apparat s’inspire
de celui d’origine qui fut préservé in situ jusqu’au milieu du XXe
siècle.
Lors des travaux de rénovation du château, devenu musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode, une nouvelle indienne pour les sièges et tous les éléments textiles, tenture et lit compris, a été imprimée par la maison Pierre Frey, d’après un document ancien provenant des archives textiles de la maison Braquenié-Frey.
Cet ensemble reconstitue fidèlement l’usage des « perses » dans les belles bastides provençales. Il témoigne de la passion que connaît la Provence pour les indiennes, cotons imprimés dont la technique est originaire d’Inde, de Perse et de l’Empire Ottoman, notamment en raison de la qualité et la résistance du matériau mais aussi de celle des couleurs qui perdurent, malgré les lavages et le temps.
Ces textiles commencent à affluer au XVIIe siècle par le port de Marseille et leur importation ne cesse de croître grâce à la création de la Compagnie royale des Indes en 1664.
Leur succès est tel que le roi Louis XIV fait interdire le commerce d’indiennes sur le territoire français en 1686, et ce jusqu’en 1759, car il représente une concurrence déloyale pour les fabricants de textile français.
C’est dans ce contexte que se développe la fabrication d’indiennes provençales, dans laquelle Marseille s’illustre dès les années 1650, pour devenir par la suite une production traditionnelle et emblématique.
L’arbre de vie figuré ici est un motif originaire d’Inde très à la mode au XVIIIe siècle. Ces textiles irriguent d’aborde décor mobilier avant d’être utilisés pour l’habillement. Cet aspect est développé dans la dernière section de l’exposition : la Galerie de la Mode.
Affiche : Ville de Marseille/DGS/Direction de la Communication Externe – Okimono, Kannon (c) MdM -R.Chipault et B.Soligny
Photographies : Jean-Louis Delbende